Au cours de mes lectures, j’ai beaucoup rencontré la notion de Destin. Il semble évident qu’il tient LA place par excellence de notre vie à notre mort. Il s’exprime par la Fylgja et la Hamingja, ces deux entités tutélaires, l’une attachée à la personne et l’autre à la famille (autrefois élargie au clan). Ces termes paraissent bien difficiles à cerner, très abstraites tant que l’on ne les a pas éprouvés soi-même.
Comme disait Régis Boyer : « la religion des Anciens Scandinaves est un ensemble de pratiques rituelles destinées à entretenir à l’intérieur de la famille (ou du clan) l’existence vivante en chacun de ses membres d’une force sacrée qui a été concédé par le Destin. Ce n’est pas seulement le sang qui unit la famille, c’est une relation commune à une puissance suprême dont les Dieux font partie. » La religion scandinave est donc une religion qui doit être vécue avant d’être pensée !
En pratiquant régulièrement même par des petits rituels, des liens se créent, la force sacrée s’exprime plus intensément au fil du temps. Voilà comment au cours des deux dernières années, j’ai pu moi-même appréhender les notions de fylgja et de hamingja dans ma vie personnelle. Je vais vous raconter comment cela s’est passé.
J’ai toujours eu des relations un peu difficiles avec mes parents, ce qui m’a amené à couper tout contact avec eux pendant presque 13 ans ainsi qu’avec mon demi-frère. Un sentiment de coupure familiale est apparu avec le temps. Je me sentais coupée non seulement de mes parents (ce que j’avais choisi), mais aussi de mes grand-parents (déjà décédés à l’époque). Cela s’amplifiait à mesure que je progressais dans la religion nordisante.
Les années passant, mes parents ont vieilli et je pense que le Destin m’a tapé sur l’épaule pour me dire qu’il était temps que je l’accomplisse. Cela a commencé par une invitation à une cousinade. Une grande réunion de famille où j’ai pu revoir mes cousins et cousines (j’en ai une trentaine), et oui nous sommes une famille très nombreuse ! Et je n’ai pas compté les petits cousins… Quoi de plus symbolique que cette réunion, mais à ce moment-là, je ne savais pas que j’avais sans le savoir fait un pas vers une remise en selle.
Mon papa avait été hospitalisé quelques jours avant cette cousinade, j’en avais été prévenue, je ne sais plus comment. Tout le monde m’a demandé des nouvelles, je leur ai expliqué la situation entre mes parents et moi. Cela m’a beaucoup donné à réfléchir.
L’hôpital était à deux pas de chez moi. Je suis allée rendre visite à mon père plusieurs fois. Pendant ces visites, il m’a beaucoup parlé de mon demi-frère et de sa méchanceté à leur égard, à papa et à ma mère. Ces derniers étaient très âgés (90 ans) et très vulnérables. Lorsque la sortie d’hôpital s’est profilée, j’ai pensé que la vie de chacun allait reprendre son cours.
Il n’en a rien été, mon demi-frère est venu, contre toute attente, me rendre visite avec ma mère que je n’avais pas revue jusque-là. Il était venu me demander mon aide pour la sortie de papa. Mes rapports avec mon demi-frère étaient très distants.
Papa a été placé en EHPAD, j’ai recommencé le voir, ainsi que ma mère régulièrement. Mais au bout de quelques mois, mon demi-frère a tenté diverses manipulations sur mes parents. Je ne pouvais pas nier que j’étais tombée à point nommer pour les aider. J’ai eu l’impression d’être téléguidée par une main invisible pour les sortir d’affaire. À ce stade, je ne me posais plus de question, je savais qu’on m’avait placé là pour les protéger, je l’ai vraiment ressenti : je trouvais toujours une personne pour m’aider en cas de difficultés et les événements s’enchaînaient dans un timing parfait. C’est peut être une des premières fois où j’ai clairement senti ce que pouvait être la fylgja qui me permettait de rétablir ma place dans la famille (mon demi-frère avait toujours eu le beau rôle depuis tout petit). Je savais ce que j’avais à faire, j’étais à ma place !
J’ai mis mon papa sous protection juridique, ce qui a été fait sans souci particulier et a stoppé toute action de mon demi-frère. Mais cela fait, il a continué ses intimidations auprès de ma mère, seule à son domicile. Après que sa santé en eu fortement pâti, elle a été placée également en EHPAD contre l’avis de mon frère et après différentes démarches effectuées pour la mettre en sécurité.
C’est après toutes ces épreuves que j’ai ressenti une impression très étrange lorsque je me suis retrouvée dans la maison de mes parents maintenant inhabitée. C’est une maison qui appartient à la famille depuis trois générations. J’ai senti un poids sur mes épaules comme une prise de conscience soudaine : j’avais rétabli l’équilibre que mes parents et moi avions laissé basculer. Le Destin avait désormais repris son cours, l’image d’une barre courbée qui se redresse est apparue à mon esprit. Était ce ça la hamingja qui protégeait le destin de la famille et qui me permettait de protéger des membres de la lignée ? Pour moi, il est clair que oui.
Lorsque je quitte la maison, j’ai à chaque fois un pincement au cœur, elle me rattache à ma famille, et je sens plus fortement l’appartenance à ma lignée. Je fais partie d’un tout qui s’étend sur des siècles et dont je suis une des représentantes, en ce qui concerne mes parents, l’unique représentante.
J’ai pris effectivement conscience qu’une force plus grande que nous existait, qui nous mettait à disposition les moyens nécessaires à la mise en œuvre du rétablissement de l’équilibre et de notre Destin. Quand les signes arrivent, la seule conduite à tenir est de les observer et de les suivre sans se poser trop de questions et sans résistance. Personnellement je me suis sentie poussée des ailes parce que simplement j’ai senti une grande force me soutenir. Ma vie n’en a été que meilleure et a été rétablie dans son cheminement naturel. Des injustices ont été réparées et j’en ai récupéré tous les bienfaits du point de vue moral et psychologique. Le temps et le Destin ont fait leur œuvre…
très beau, émouvant … ça me parle vraiment…je ressens ça aussi avec la maison familiale que j’ai récupérée après la mort de ma mère il y a un an. Mes frères sont loin donc je me sens un peu investie par ça.Et puis elle a été bâtie par mon arrière grand oncle, c’était juste au départ une petite pièce accolée à l’étable. Bref, heureuse de voir que tu avances.
Françoise
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Coucou,
Merci pour ton message! J’avance pas à pas, à mon rythme. J’ai pris une pause de plus de un an pour régler tous ces problèmes. Le temps de dénouer et de nouer des fils.
C’est important d’appartenir à une famille, à un lieu, ça nous lie les uns aux autres et crée des repères. Je pense maintenant à ce que notre génération va léguer aux générations suivantes, des liens distendus… les enfants ont besoin d’un passé…
A bientôt,
Niele
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